Comment une entreprise familiale peut-elle cultiver le succès au fil de huit générations? Nous avons interrogé la famille Van Roey sur les secrets de sa réussite.

Les racines du groupe de construction campinois remontent à 1740, lorsqu’Andreas Van Rooij s’est attaqué aux réparations de l’église Saint-Michel à Brecht. 278 ans plus tard, le groupe Van Roey emploie 950 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros.

Malgré cette longue histoire, les actions du groupe sont concentrées dans seulement trois branches de la famille. Pour cet entretien, celles-ci sont représentées par les frères Jef et Lu Van Roey, leur petit-cousin Peter Van Roey et Eric Kurris, le mari de leur petite-cousine Karin Van Roey.

Mentalité

« La clé de notre succès? La mentalité Van Roey », répond d’emblée Jef Van Roey. « Nous avons pris la bonne habitude de ne pas disperser les actions dans les mains d’un nombre trop important de membres de la famille. Et nous sommes très attachés à nos valeurs: qualité, ouverture, engagement, respect, collaboration. »

Un usage ancien consistait à racheter la part des filles. Désormais, tout est régi par une charte familiale solide et un pacte d’actionnaires clair. « Ils prévoient par exemple un droit de préemption pour la branche de la famille à laquelle on appartient », détaille Eric Kurris. « Nous avons également établi une politique de dividende stricte, afin qu’une part suffisante du bénéfice reflue vers le groupe. Nous pouvons ainsi continuer à innover et à investir. »

« En ce qui concerne nos valeurs, la qualité prévaut sur tout le reste », embraie Lu Van Roey. « Cela vaut pour nos services, mais aussi pour les relations que nous entretenons avec nos collaborateurs, clients et fournisseurs. Ce n’est pas un hasard si nous avons choisi le slogan: ‘Construisons ensemble’. »

Croissance

Pour expliquer le succès actuel de l’entreprise, il faut revenir sur les trois moments cruciaux qui ont jalonné son parcours. « D’abord et avant tout, Van Roey a connu une croissance soutenue dans le secteur de la construction après la Seconde Guerre mondiale », indique Peter Van Roey. « Louis et Jef, nos grands-pères, ont alors considérablement étendu l’entreprise. »

L’instauration d’un management externe à la fin des années 70 constitua une autre étape importante. « Ceci dit, la famille a pris trop de recul en faisant une confiance aveugle au CEO, Johan de Muynck », poursuit Eric Kurris. « En 1989, l’acquisition trop ambitieuse du spécialiste des fondations Franki s’est mal terminée. »

C’est surtout Vic Van Roey, homme fort de la génération précédente et père de Peter, qui, une fois désigné administrateur délégué, a remis l’entreprise sur de bons rails. Et la famille a repris fermement les rênes. Aujourd’hui, des membres de la huitième génération siègent au conseil d’administration du holding et des filiales, et sont pleinement impliqués dans la gestion de l’entreprise.

Le groupe a enregistré une croissance constante au cours des dernières décennies. Il a surtout investi dans la création de valeur ajoutée et l’élargissement des activités. « Le groupe Van Roey compte désormais neuf entreprises liées à la construction », mentionne Peter Van Roey. Il fait également figure de pionnier dans le domaine des partenariats public-privé qui sont devenus, au fil du temps, l’une de ses spécialités, notamment en matière de développement et d’exploitation de centres sportifs et de divertissement multifonctionnels.

Les ambitions du groupe sont loin d’être mégalomanes. « Nous voulons surtout consolider et faire fructifier les entreprises que nous possédons », souligne Peter Van Roey. « De petites acquisitions sont envisagées à condition qu’elles s’inscrivent dans nos activités actuelles et que nous trouvions les personnes appropriées pour les diriger. Ceux qui prennent la barre doivent avoir la mentalité Van Roey. »

NextGen

Bien que les 10 rejetons de la génération suivante soient encore jeunes, ils sont déjà impliqués dans l’entreprise. « Nous emmenons souvent des membres de cette neuvième génération aux visites de chantier », sourit Jef Van Roey. « Et nous les invitons chaque année à la réunion de notre fondation familiale. » En outre, de nombreuses formations leur apportent le bagage financier nécessaire.

« Nos enfants sont mieux informés que nous quand nous avons fait notre entrée dans l’entreprise », estime Lu Van Roey. Mais avant de décider qui aura un siège au conseil d’administration, on attend de la NextGen qu’elle gagne ses galons ailleurs.

Plus de générations, plus de possibilités

Un grand nombre d’entreprises familiales réunissent aujourd’hui trois générations. Cela exige une approche créative.

Généralement, la génération la plus ancienne se repose sur ses succès passés. Pour elle, il est souvent difficile de faire un pas de côté.

Or, pourquoi le chef d’entreprise n’assumerait-il pas, à la fin de sa carrière, un rôle différent dans l’entreprise familiale? La génération plus ancienne entretient traditionnellement des relations étroites avec toutes les parties prenantes, et pourrait par exemple remplir une mission de relations publiques qui ferait d’elle la figure de proue de l’entreprise. Elle permettrait ainsi à la deuxième génération d’imprimer sa marque. Cette génération-ci, en effet, doit fréquemment prendre son mal en patience avant de pouvoir donner un nouveau souffle à l’entreprise.

Pour les générations plus jeunes qui ont grandi au cœur même de l’univers numérique, le défi se situe ailleurs. Elles recherchent un environnement de travail moins traditionnel. Pourquoi ne pas leur laisser jouer un rôle dans la numérisation de l’entreprise?

Wout Coppens Associé EY Private Client Services T. +32 (0)2 774 93 08
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