Quel regard les entreprises familiales portent-elles sur la croissance? Dans quels domaines sont-elles particulièrement performantes? Où le sont-elles moins? Hans Crijns (Vlerick) et Marc Cosaert (EY) dressent un bilan.

Nos deux interlocuteurs s’accordent sur un point: pour comprendre les ambitions de croissance des entreprises familiales, il faut se focaliser sur le long terme. Car la maximisation de la valeur actionnariale n’est pas le seul objectif pour nombre d’entre elles.

« Les entreprises familiales ont souvent une longue histoire », souligne Hans Cosaert. « Elles ne veulent pas voir partir en fumée ce qu’elles ont passé des années à construire. Elles recherchent la croissance et l’innovation pour garantir leur continuité. La continuité du patrimoine familial, mais aussi de ceux avec qui elles collaborent chaque jour, dans et en dehors de l’entreprise. »

« De même, le rôle social de l’entreprise est important », embraie Hans Crijns. « Auparavant, les entreprises familiales accusaient un certain retard en matière de responsabilité sociale; désormais, la responsabilité sociale coule de plus en plus dans leurs veines. »

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‘Pour l’entreprise familiale, la croissance est un moyen de garantir la continuité.’
Marc Cosaert associé Transaction Advisory Services chez EY

Financement

La croissance peut être organique ou réalisée par des acquisitions. Naturellement, les entreprises familiales ont tendance à privilégier une croissance organique, plus stable. « Réinvestir une grande partie des cash-flows dans l’entreprise est typique des structures familiales », confirme Marc Cosaert. « De même, elles gèrent intelligemment leur fonds de roulement et leurs stocks. Elles optent pour la croissance et la stabilité, tout en faisant preuve d’une profonde aversion aux risques. »

Lorsqu’elles procèdent à des acquisitions, celles-ci sont généralement opportunistes et d’échelle plutôt réduite. « Les entreprises familiales suivent rarement une stratégie d’acquisition planifiée », affirme Hans Crijns. « Quand une occasion se présente, leur premier réflexe est d’analyser la trésorerie de la famille et de se tourner vers les banques. »

« Ceci dit, l’arrivée de partenaires externes dans le capital n’est plus un tabou », complète Marc Cosaert. « On franchit le pas vers le private equity plus souvent qu’il y a 10 ans. »

Marc Cosaert plaide en faveur de la rationalité: « Chaque entreprise familiale qui nourrit des ambitions de croissance doit se poser ces questions: sommes-nous disposés à investir dans la croissance? En avons-nous la capacité? Est-il justifié d’investir une très grande partie du patrimoine familial dans une seule entreprise? »

« La réponse est souvent non », avance Hans Crijns. « Parce que le risque n’est pas suffisamment diversifié. Il ne faut pas que le cœur l’emporte sur la raison, car cela peut être destructeur de valeur. »

Il en va de même pour l’ouverture du management et du conseil d’administration à des talents externes. « La plupart des entrepreneurs familiaux savent que la professionnalisation et l’externalisation sont payantes », affirme Hans Crijns. « Malheureusement, ils oublient souvent de joindre le geste à la parole. »

Retard numérique

Les entreprises familiales belges ont également du pain sur la planche dans le domaine de la numérisation. « Quelque 60% d’entre elles rencontrent des problèmes dans leur processus de digitalisation », note Hans Crijns. « Et 73% avouent même ne pas avoir de stratégie numérique clairement définie. »

« Lorsqu’on les confronte à la révolution numérique, nos entrepreneurs écarquillent les yeux », déplore Marc Cosaert qui, aux côtés d’Hans Crijns, a plusieurs voyages d’études avec des entrepreneurs à son actif. « Dans la Silicon Valley, nous avons démontré que la disruption était omniprésente. Les entrepreneurs y ont appris une leçon importante: sans échouer, il est impossible de participer à l’économie digitale. Ils ont également été surpris par l’immense écosystème sur lequel repose la révolution numérique. »

« Je conseille à l’entrepreneur qui possède une entreprise familiale de se montrer très réactif », conclut Hans Crijns. « Le succès ne provient pas uniquement d’un plan stratégique, mais aussi de l’art de prendre très rapidement des décisions à partir d’informations fondées, et de les appliquer immédiatement sur le marché. »

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‘Deux tiers de nos entreprises familiales ne sont pas préparées à la révolution numérique.’
Hans Crijns Partner à la Vlerick Business School
  • Marc Cosaert est associé Transaction Advisory Services chez EY.
  • Le professeur Hans Crijns est Partner à la Vlerick Business School où il dirige le Center for Entrepreneurship, et est Director de l’iGMO, le Centre d’impulsion et de gestion de la croissance pour entreprises moyennes. Il est professeur à temps partiel à l’Université de Gand.
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