Nouvelles technologies, modèles économiques innovants et concurrents inattendus font trembler les secteurs du retail et des biens de consommation sur leur base. Et ces évolutions nous parviennent à une vitesse vertigineuse. Alors qu’un trop grand nombre d’entreprises demeurent focalisées sur le court terme, Danny Wuyts et Eef Naessens, réviseurs d’entreprises et associés chez EY, voient plus loin et dessinent le comportement du consommateur du futur.

“Nous n’avons pas de boule de cristal, il nous est impossible de prédire l’avenir: nous ne pouvons qu’aider les entreprises à réfléchir à l’évolution de l’univers du consommateur”, prévient d’emblée Danny Wuyts. “Ces derniers mois, des équipes EY du monde entier ont mené une étude approfondie dont découlent huit hypothèses-clés. Celles-ci constituent le moteur qui sous-tend les changements de comportement du consommateur.”

EY fait appel à ces hypothèses pour établir un plan stratégique à long terme avec ses clients ou leur fournir une caisse de résonance. “Ces enseignements universels permettent aux entreprises de se réinventer pour mieux s’adresser au consommateur du futur”, complète Eef Naessens.

La technologie compte sans doute parmi les principaux changements.

DANNY WUYTS. “C’est exact. Faire ses courses, ce n’est pas la même chose que faire les magasins. L’intelligence artificielle analyse le comportement d’achat, le profil social et le background du consommateur. Cette technologie connaît les besoins de ce dernier et remplit automatiquement une liste de courses.”
“Nous allons même un peu plus loin. Au supermarché, le smartphone d’un patient allergique l’avertira si un produit contient du gluten et lui proposera de facto une alternative. Sans doute le consommateur ne devra-t-il même plus quitter son fauteuil: il chaussera ses lunettes RV et fera ses courses dans un univers virtuel. Le détaillant les lui livrera à domicile, même si ce dernier ‘mile’ représente toujours une perte. Comment le rendre écologique et rentable? Si vous le savez, vous êtes millionnaire…”

EEF NAESSENS. “À l’avenir, nous achèterons moins de produits et davantage de services. L’exemple le plus connu est le concept de voiture partagée: le consommateur n’acquiert pas un véhicule mais de la mobilité. Il est possible d’appliquer la même philosophie à la laundry as a service, qui remplace l’achat d’une machine à laver. Le consommateur pourrait également choisir ce qu’il veut porter dans une garde-robe virtuelle, au lieu de tout acheter. L’idée semble encore très lointaine, mais des entreprises franchissent d’ores et déjà des étapes concrètes dans cette direction.”

Le consommateur fera-t-il dorénavant ses achats depuis son salon?

NAESSENS. “L’achat deviendra un acte purement fonctionnel, tandis que le shopping se transformera en expérience. Le vendeur au détail ne pourra attirer des clients vers ses bricks, ses points de vente physiques, que s’il parvient à développer une expérience tout autour. Pensez aux marchés de produits frais dans les supermarchés… Il y aura davantage de lieux d’expérience, de one-stop-shops où les consommateurs trouveront de tout. Il est impossible de réduire des entreprises comme Amazon et Bol à une seule spécialité: vous pouvez vous y offrir tout ce que vous voulez. À l’avenir, nous aurons aussi ce ‘sentiment de l’instant’ hors connexion.”
“Une autre évolution majeure a trait au renforcement de la conscience de soi dans le chef du consommateur. On peut citer ici l’essor du bien-être, de l’alimentation saine, des activités sportives, etc. Dans ce domaine parmi d’autres, la technologie est appelée à jouer un rôle important – elle pourra notamment vous prévenir si vous consommez trop de sucre. Pour le commerce de détail, le défi consistera à le faire sans paraître intrusif ou moralisateur. Et sans enfreindre la législation sur la protection de la vie privée.”

WUYTS. “Le consommateur souhaite connaître l’origine de ses produits. Or, ce désir de transparence – pour des raisons éthiques ou de sécurité – a un impact fondamental. La technologie blockchain permet d’aller très loin dans ce domaine. Si vous achetez un maillot de cycliste en mérinos dans un magasin de sport, il suffira de scanner un code QR pour connaître le mouton d’où provient la laine. Et vous pourrez remonter toute la chaîne.”

NAESSENS. “Pour terminer, je soulignerai la gamification de notre société. Les entreprises doivent ajouter un aspect ludique à leurs produits. On n’achète pas un simple sachet de chips, il est possible de proposer un petit extra en ligne. Pensez à la mode des Pokémon voici quelques années. Les consommateurs aiment appartenir à un groupe hip & trendy. Il est ainsi possible de déclencher un comportement donné.”

La moitié plus âgée de la population est-elle réceptive à ces évolutions?

WUYTS. “Cela constituera un défi important. Les plus de 70 ans représentent une part de plus en plus grande et importante de nos consommateurs, et ils ne font pas leur shopping avec leur smartphone. Le marché traditionnel continuera d’exister, alors que la révolution est enclenchée. Mais on aurait tort de sous-estimer les seniors. La technologie qui permet de mettre vos courses dans votre chariot et d’avoir un décompte automatique existe déjà. Personne n’aime faire la queue à la caisse. Pas même les plus de 70 ans.”

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“Personne n’aime faire la queue à la caisse. Pas même les plus de 70 ans.”
Danny Wuyts associé EY

Comment les entreprises se préparent-elles aux consommateurs du futur?

NAESSENS. “Nous invitons les entreprises à des séances de brainstorming afin de leur faire découvrir l’effet réel de ces évolutions sur leur activité. Nous réalisons un benchmarking par rapport à la concurrence et analysons par la suite leur résistance à un stress test. Il faut rester pertinent pour le consommateur final. Les Big Data, c’est de l’or pour les détaillants. Notamment pour mettre en place une communication personnalisée et ciblée.”

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“Les start-up et scale-up grignotent des parts de marché parce qu’elles sont moins chères, plus intelligentes et plus agiles. Cela doit maintenir les grandes entreprises en état d’alerte.”
Eef Naessens associée EY

WUYTS. “Et ce n’est pas de la science-fiction. En France, une enseigne de centres de produits de jardinage a par exemple développé un modèle basé sur la corrélation entre la météo et les achats de ses clients. La chaîne logistique est organisée selon les prévisions météo pour chaque magasin. Et dans 99% des cas, ces prévisions se vérifient. Pour l’entreprise, cet investissement a été immédiatement amorti.”

NAESSENS. “L’innovation est le mot-clé. Il faut rester sur la brèche, guetter les possibilités de collaboration. Les start-up et scale-up grignotent des parts de marché parce qu’elles sont moins chères, plus intelligentes et plus agiles. Cela doit maintenir les grandes entreprises en état d’alerte, car le point de basculement est proche. D’autant qu’Amazon – le trendsetter par excellence – a racheté une chaîne de supermarchés. Et elle traversera l’Atlantique plus tôt que vous ne le pensez.”

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